Pluie acide

La pluie était omniprésente dans ce pays, on avait l'impression qu'elle était là pour nous "laver" de toutes les conneries que nous avons fait. Mais étant donné que nous avons fait tellement de conneries, toute la pluie du monde ne pourra rien y faire. Elle nous rappelle sans cesse que nous sommes à la merci des éléments naturels.

Et quoi de plus normal que d'attendre un éventuel informateur sous le hall d'entrée d'un éventuel informateur. Il gelait dehors, cela faisait un moment que je poireautais depuis quelques minutes. Même le fait de frotter de mes mains l'une contre l'autre ne les réchauffait pas.

Je ne pouvais m'empêcher de regarder ma montre et d'examiner les passants, dans l'espoir de trouver mon examinateur au plus vite. Je n'en pouvais plus d'attendre, je voulais retrouver mes enfants au plus vite. Une silhouette se distingua de la masse humaine et se rapprocha de moi.

Bien, l'homme que j'avais en face de moi m'avait reconnu, il entra dans le bar qui se trouvait à côté de l'hôpital. Il commanda une pression, je ne sais pas vraiment pourquoi ce détail semblait important pour moi. Je le suivi de près et demanda un café. J'étais devenu accro à la caféine, il n'y avait que ça qui me faisait tenir.

"_ On m'a dit que vous aviez des informations pour moi me semble-t-il ?"
Je ne sais plus vraiment qui était ce "on", a vrai dire, je trouvai souvent mes informateurs sur le net et via des amis d'amis du cousin de la soeur du père ... enfin bon un réseau existait.

"_ Je me demandais si vous aviez de quelconques infos sur une femme prénommée Lisa. Elle est entrée à Aurora et elle n'est plus jamais ressortie."
Je n'en dévoila pas plus, je ne voulais pas en dire trop long sur moi, après tout c'était peut être une taupe du gouvernement. Dans ce monde on ne pouvait avoir confiance qu'en soi-même.

Mon informateur paya mon café, au début cela me dérangea et puis bon au final, cela me faisait quelques pièces d'économisées. Il répondit très franchement à ma question. Bizarrement je ne m'attendais pas à cette réponse... Une arme amnésique ? Mais enfin...

-A vrai dire j'aurai des milliers de questions à vous poser, une arme amnésique vous dites ? Vous n'êtes pas obligés de me répondre si jamais vous êtes méfiants à mon sujet je peux le comprendre. Merci pour le café sinon.

J'observai mon interlocuteur, il ne semblait pas faire parti du Gouvernement. C'était déjà ça, mais il ne faut jamais se fier aux apparences. En fait sans le vouloir, mon nouvel "ami" venait de me faire comprendre que je n'allais sans doute plus jamais revoir ma femme.

Tous en danger de mort ? Je savais qu'Aurora ne montrait pas son réel visage mais que se passait-il vraiment là bas ? Je devenais de plus en plus curieux et intrigué, je voulais m'y rendre afin de constater par moi même ce qu'il se passait là bas. Mon nouvel "ami" semblait avoir peur d'être entendu par quelqu'un, en même temps je le comprenais, nous risquions gros si quelqu'un nous entendait parler de théories étranges sur la société miracle qui dirige plus ou moins notre vie.

Le regard de l'homme a qui je parlais s'était fixé sur la jeune pianiste, je fis de même et dès les premières notes je fus transporté. Cela me rappelait de bons souvenirs lorsque je jouais pour des petits concerts, une petite mélancolie s'empara de moi, dire que j'aurai pu devenir un pianiste reconnu mondialement si ce monde était tout autre. Et, automatiquement, je me mit à pianoter l'air dans le même rythme que la mélodie que jouait la demoiselle.

-Je suis bien conscient de tout ce que l'on risque mais je veux découvrir la vérité, je veux savoir ce qu'il en est réellement, si vous craignez de parler ici, nous pouvons toujours aller dans un endroit plus calme loin des oreilles indiscrètes.

Avec les dossiers de Jeremy, les coupures de presse, les fichiers illégaux sur Aurora j'avais déjà pas mal d'informations, le témoignage de cet homme pourrait sûrement m’amener au but ultime.

Sa question me stoppa net dans mon "air piano". Elle résonna plusieurs fois dans ma tête. Devais-je réellement lui dire qui elle était pour moi ? La suite de ses paroles répondirent à ma question, je devais effectivement lui dire. Mais est-ce que je devais être honnête envers lui ? Puis finalement je lui dis la vérité, après il me croyait ou non mais que pouvais-je y faire ?

-Cette Lisa... Il s'agit de ma femme, voyez vous elle commençait à avoir d'importants problèmes de santé et c'est à ce même moment que nous avions entendu parler d'Aurora Corporation. Les médecins n'arrivaient pas à expliquer ses maux, alors je l'ai emmené à Aurora comme si c'était la chance ultime pour qu'elle aille mieux.

Ma voix s'étrangla et je fus pris d'un bref sanglot.

-Mais par la suite nous n'avions toujours pas de nouvelles, alors je me suis mis en quête de trouver ce qu'il était advenu de ma femme ainsi que des autres patients censés être à Aurora pour se faire soigner.

Je devenais de plus en plus triste en repensant à elle, son visage, sa joie de vivre, son parfum, elle me manquait terriblement tout comme elle manquait à nos enfants. Les enfants, ces petits monstres devaient sans doute regarder la télévision au lieu de dormir en ce moment même.

Mon interlocuteur était donc un cobaye... Cette révélation me laisse pensif quelques instants. Des hommes firent irruption dans le bar se qui sembla déranger mon informateur. Ce dernier jura puis me fit signe de le suivre à l'extérieur. Ce que je fis aussitôt.

- Dites moi ? Qui sont ces hommes ? Et où allons nous ?
Ah et pour information je ne compte pas abandonner ma femme, j'ai toujours espoir de la retrouver. Et si ce n'est pas le cas, au moins pouvoir aider les familles ayant des proches là bas. En tant que cobaye vous devez savoir non ? Et si vous aussi vous aviez une famille mais que vous ne vous en souveniez plus ?

J'espérai que mon discours fasse réfléchir mon interlocuteur. Au fond je voulais que lui aussi espère un peu. - L'espoir fait vivre après tout, non ? Question conne. Je ne savais pas ce qu'il se passait actuellement mais je ne pouvais que suivre mon éventuel allié.

La pluie ne s'était pas vraiment calmé, mais étrangement marcher dessous me permettait d'y voir plus clair dans mes pensées. Le cobaye n'avait pas tort, je devais me faire une raison après tout ...