Pourpre

Trololo:

Les nuisibles prolifèrent le plus souvent la nuit, simplement parce que le plus insignifiant et le plus sage des êtres que sont les humains ne vit pas la nuit. Et comme d’habitude, Jeremy aime échapper à cette règle. Comme à son habitude, il file entre les immeubles, les ruelles, les toits, il file entre cette maudite ville. Comme à son habitude, il a quelque chose de prévu. Il a un nouveau pion à quérir. Il y a un nouvel allié à se faire. Un quotidien des plus banals pour l’une des personnes les plus « dangereuses » qui puisse grouiller dans le petit monde tourmenté qu’a monté Aurora Corporation.

L’ombre s’arrête contre un mur, et jette un coup d’oeil aux alentours. Personne. Il ne se sent pas épié, et il peut enfin baisser un tant soit peu sa vigilance. Tout en laissant certains de ses membres se transformer en panache de fumée, Jeremy jette un oeil discret à son téléphone. Il n’est plus très loin de l’endroit tant convoité, et son regard bleu anormalement délavé se repose vers l’horizon. Jeremy range brusquement son portable du troisième âge dans sa poche, avant de poursuivre sa route d’un pas pressé.

Il n’est pas fâché d’arriver à bon port, lorsqu’il atteint enfin le vieil immeuble sordide qui est la cause de son énième déplacement nocturne. Il jette un coup d’oeil distrait à une fenêtre en particulier, plusieurs mètres plus haut. Plusieurs étages plus haut. Finalement, Jeremy décide de ne pas monter dans l’immeuble. Il gaspillerait de l’énergie, et il prendrait le risque de se faire repérer. Et franchement, il n’avait pas besoin de ça dans un moment pareil.

Mieux valait que ce type chelou vienne à lui. Il tourna comme un lion en cage, avant d’attraper un caillou qui traînait sur le bitume abîmé par le temps. Jeremy recula, sourit, et lança finalement le projectile en direction de la fenêtre, dans un angle quasi-parfait. Le caillou y rebondit, dans un bruit qui signifiait bien que la fenêtre venait d’être fissurée en deux. Puis, il attendit un temps.

Après tout, une fenêtre fissurée n’était rien d’autre qu’une fenêtre fissurée. Pourvu que le principal intéressé de l’histoire se bouge un peu.

Depuis son séjour à Aurora Corporation, Jeremy savait à quel point Reyes était un personnage des plus... originaux. C’est pourquoi il l’avait regardé tomber de sa fenêtre d’un air las, presque blasé. Se doutait-il seulement que l’effet n’était pas voulu. Après les paroles de Reyes, un sourire dérangé se dessina sur le visage du jeune homme. Qui fit une petite courbette moqueuse à l’attention du dealer. Manière plus ou moins particulière de le saluer.

- Ravi que tu te souviennes de moi, Reyes. Ça m’évitera les présentations.

Jeremy se redressa et haussa un sourcil, avant de répondre sèchement à Reyes.

- Ne crois pas que ça m’amuse de porter un nom pareil. J’aimerais bien m’en débarrasser. Au cas où tu en douterais toujours, je ne suis pas comme mon... ce monstre, plutôt.

Il n’arrivait même plus à prononcer le mot « père ». De toute façon, il ne savait plus ce qu’était la définition exacte de ce mot. Ni le rôle que cela impliquait. Chassant cette pensée de sa tête, l’ex-Cobaye sourit et s’approcha de Reyes. La silhouette de Jeremy ne ressemblait plus à grand chose. Elle était toujours aussi vaporeuse, toujours aussi inhumaine.

- Je ne suis pas venu t’emmerder pour rien. J’ai un marché relativement intéressant à te proposer. Tu ne voudrais pas louper une occasion de rétamer Jameson et Aurora Corporation à la même occasion, non ?

Le petit jeu d’échec se montait dans la tête de Jeremy. Il fixa la silhouette du dealer, une silhouette qui semblait désarticulée. Il n’avait pas changé. S’il avait pu, il aurait été triste de voir à quel point Aurora Corporation avait détruit le drogué. Enfin, il n’était pas le seul. La preuve.

Jeremy restait prudent, aussi bien dans les gestes que dans les paroles. Nouveau sourire, nouveau coup. Il avance son premier pion.

- Bien évidemment, je doute que tu ne me rendes un service sans rien en retour. Quelque chose en particulier t’intéresserait ?

Il s’approcha une fois de plus de Reyes, tout en restant néanmoins à l’écart. Jeremy jeta un coup d’oeil aux alentours, le regard presque anxieux. Personne, pour l’instant. Son corps n’était pas sur la défensive. Il observa la réaction du dealer, sans un mot. Il préférait être sûr de son aide, avant de lui exposer son plan. Dans le cas contraire, il aviserait pour le convaincre.

A cette pensée, un sourire se dessina sur ses lèvres.

Hors RP:

Enfin. Calme, silence. Ses oreilles ne bourdonnaient plus. Plus rien ne souillait l’air pollué de la ville. Reyes continuait à se tortiller, et Jeremy se pencha en avant. Mains dans les poches. Comme s’il s’apprêtait à bondir sur son drôle d’interlocuteur. Mais son regard ne lâchait pas celui de Reyes, jusqu’à ce qu’un drôle de sourire vienne se dessiner sur les lèvres. Un sourire qui s’agrandissait.

- Et... c’est tout ?

Démesurément.

Son ton était amusé. Moyen ou pas de cacher son énervement, il n’en avait cure. Finalement, un petit rire sardonique s’échappa d’entre ses dents. Un rire qui s’amplifia, jusqu’à ce que l’ex-Cobaye finisse par rire à gorge déployée. Il gardait la même pose, il gardait son regard sur Reyes. Mais sa conscience, elle, s’était envolée. Pourquoi rigolait-il ? Comme si une question aussi conne pouvait avoir une réponse. Les humains ne cherchent pas à comprendre les marginaux. Ils sont trop fous. Trop incompréhensibles.

Un certain temps passa, jusqu’à ce que Jeremy daigne se calmer. Mais il n’avait pas bougé. Toujours aussi immobile. Avec son drôle de sourire aux lèvres. Désormais, sa présence ici avait totalement changée de but.

- Joli discours. Je vois que tu n’as pas perdu ton sens de la rhétorique.

C’en serait presque un compliment. Mais son ton est trop ironique, trop amusé. Il commence à faire la balance en se tenant uniquement sur les talons. S’il songe à quelque chose ou pas, difficile de le dire. Mais au moins, cela lui permet de se distraire un peu. Et ça, ça n’a pas de prix.

- J’ai jamais prétendu être un génie. J’ai jamais prétendu avoir du charisme. J’ai pas tout ça, et je m’en fiche pas mal. Je me fous de la façon dont les autres me voient. Si ça les amuse tant de ça de me voir comme un Messie, à leur guise.

Il continue de sourire, et de se balancer d’avant en arrière. Il s’est redressé, maintenant. Et son petit ego aussi.

- Qu’est ce que tu crois, Morisaki. Toi-même, tu utilises tes connaissances proches comme des pions. Je le fais moi-même, mais j’ai été « conçu » pour ça. Ceux plus hauts que toi t’utilisent aussi comme un pion jetable. Je ne pense pas que tu aies toutes les compétences pour me juger comme tu viens de le faire...

Le charisme, il lui en manquait. Il suffisait d’observer Reyes se dandiner pour comprendre. Mais Jeremy garda cette pensée effilochée pour lui. De toute façon, le dealer s’en doutait très bien.

- Si t’es si jaloux que ça, tu n’as qu’à te bouger un peu pour arriver à mon niveau. Il n’y a rien de méritant, à dénigrer les actions des autres par les mots. A ton niveau, c’en devient pitoyable. Je te pensais un peu plus mature.

Mature. Ce mot n’a pas vraiment de sens, dans la tête de Jeremy. Il finit par se redresser complètement, restant statique un long moment.

- Je me doutais presque que tu réagirais comme ça. Je n’ai pas de bonne raison à te donner, tu le sais très bien. Par conséquent, je me passerais de ton aide.

Énième sourire.
Il était désormais persuadé que rien ne ferait changer Reyes d’avis. Bah, ce n’était pas bien grave. Il avait d’autres atouts dans sa poche. Qu’il soit ou pas sur le territoire de Reyes, peu importait. Il était après tout un pion depuis le début, comme tous. N’est-ce-pas ?

- Continue à mener ta petite vie insignifiante, vieux.

Il semblait guilleret. Mais ça, c’était simplement pour cacher ce qu’il pensait véritablement.
Jeremy allait tourner les talons, jusqu’à entrapercevoir une silhouette dans la pénombre. Il hausse un sourcil, et stoppe son geste. Peut-être s’agissait-il d’un piège tendu par Reyes. Jeremy se persuadait de ne rien avoir à craindre, à l’instant présent.

Il était transparent, après tout. Dans tous les sens du terme.

Hors RP:

Hors RP:

La première chose qui s’échappa des lèvres de Jeremy fut un sifflement agacé, déformé par un léger sourire persistant sur son visage.

- J’ai compris qui elle était, oui.

Il ne bougea pas d’un pouce. C’était à son tour de cracher son venin d’amertume. Il était trop fier pour supporter qu’on le prenne de haut ainsi.

- Mais moi, je ne la considère pas comme un objet de comparaison entre toi et moi. Si tu as un tant soi peu de fierté, ne te sent pas obligé de comparer les moyens que nous avons chacun à notre disposition.

Fais le malin tant que tu peux. Ce n’est pas comme si tu détenais la sainte parole, Jeremy.

- D’ailleurs, je me passerais des détails de sa rencontre avec toi. Je préfère ne pas savoir ce que tu fais à cette pauvre gosse.

Il n’avait pas pu s’empêcher d’arquer un sourcil. Il avait beau ne plus être aussi réceptif, son esprit quant à lui était capable de partir loin. Parfois trop, peut-être...

Il resta silencieux un instant, tout en passant sa main sur ses yeux. Oui, il était agacé. De quoi, on ne sait pas. Peut-être était-il agacé de voir remettre en question son petit plan futur. Il était égocentrique, égoïste, fier et sans doute orgueilleux sur les bords. Et de toute façon, qui s’en souciait ? Personne. Néanmoins, un sourire se peignit sur son visage, au fur et à mesure qu’il écoutait les paroles de Reyes. Hm, c’est vrai. Il avait peut-être raison. Mais bonne chance pour le lui faire admettre de vive voix.

- Oui, je suis sans doute un ennemi public. Comme lui. Mais je suis obligé de me rabaisser à son niveau pour pouvoir l’atteindre.

Il se pencha une nouvelle fois, tout en souriant.

- Je sais très bien de quoi est capable Aurora Corporation. C’est justement pour ça qu’il faut bien qu’un abruti agisse tôt ou tard. Et ceux qui voudront agir, réussiront à faire tomber la Corporation tôt ou tard. Pourquoi ?

Il haussa les épaules, comme s’il s’agissait d’une évidence même.

- Parce que les humains sont faits ainsi. Aurora veut nous faire croire que l’humain peut servir d’arme, si on le fait revenir à ses origines. Au temps ou les hommes se contentaient de leur force naturelle. Seulement... ces gens sont beaucoup trop dépendants de la technologie pour prétendre agir ainsi. J’ai toujours trouvé ce contraste relativement... amusant.

Cette fois, il tendit sa main en direction de Aoko, puis de Reyes.

- Regardez-vous. Regardez moi. Nous étions censés être des armes humaines. Par conséquent, nous étions censés être dépendants de nous-même. Nous étions censés dominer les autres, sans aucune exception. Vous croyez vraiment que nous sommes un résultat concluant ? Je ne suis pas capable d’attraper quelque chose. Quant à toi Reyes, ton pouvoir sert uniquement à rendre les autres dépendants de toi. Et toi, gamine...

Cette fois-ci, il dirigea toute son attention vers la jeune fille.

- Tes facultés sont totalement liées à la technologie moderne. C’est un contraste total avec ce que l’arme ultime est censée représenter. Aurora finit par lâcher ses propres idéaux, pour une simple question de fric et de pouvoir. Au détriment de milliers d’innocents. Et les conditions actuelles ne font qu’empirer les choses. La révolte gronde, et cette fois-ci, je ne l’aurais pas provoqué volontairement. Je ne fais que suivre le mouvement.

Il finit par perdre son sourire, avant de conclure d’une voix atone.

- L’homme est capable de tout. Des pires immondices comme des meilleurs changements. Ces deux extrêmes rééquilibrent les choses. Et j’espère que j’arriverais... qu’on arrivera à faire pencher la balance vers de meilleurs changements, pour rééquilibrer l’ordre que ce Gouvernement a détruit par pur égoïsme.

Les choses étaient différentes selon le point de vue de chacun.